J’ai dû avoir 14-15 ans quand j’ai confié à ma grand-mère les difficultés que j’éprouvais à faire ma prière du soir. Je n’y manquais jamais. Mais, je tombais régulièrement endormie avant d’avoir fini. Grand-mère m’avait calmement rassurée en me disant: »C’est une belle preuve de confiance que de s’endormir sur une demande. De toute façon, Dieu sait déjà tout ce dont tu as besoin…
»
Plus tard, j’ai testé ça! Je me souviens, j’étais jeune étudiante à l’Université Laval, en Créations littéraires. Je me voyais déjà dans la Volks, avec monsieur Poulin, à la recherche de Théo (C’est encore Dieu, ça, hein?). Je voulais écrire! J’en rêvais, j’en mangeais (C’est bien tout ce que j’avais à manger, d’ailleurs). Je cherchais, parmi les étudiants dans le même programme, un regard qui aurait eu envie de s’accrocher au mien, ne serait-ce qu’aux pauses entre les cours, pour échanger sur nos aspirations futures. Ben, niet. Personne ne parle à personne, dans ce monde. On marche dans les couloirs en tenant serrés contre soi ses cartables, ses tablettes de feuilles, pour ne pas se faire voler son inspiration…! Je n’ai jamais été si seule qu’entourée de cette centaines de belles têtes flyées. Personne, jamais, ne s’approchait de moi. (faut-il que je dise, pour ma défense, que je tapais des 100% dans les cours les plus hots et que ça faisait chier les m’as-tu-vu plus âgés? Je tapais des 100%, malgré moi. Les profs braillaient sur mes journaux de bord, quand je parlais du chat de ma voisine d’en haut qui chantait de l’opéra (la voisine, pas le chat!). Bref, j’ai connu à la fois la gloire et l’isolement.
Et dans ces moments-là, je prie. Un soir, après un cours, j’étais dans l’autobus en direction de mon appartement, et je me souviens très bien de l’essence de ma demande. J’ai dit: »Dieu, j’peux pas croire que parmi tous ces étudiants, y a personne qui aurait envie d’échanger avec moi. Personne, même, qui aurait envie d’aller prendre une bière pour jaser, discuter. Vivre une telle passion, un tel bonheur et le garder pour soi, c’est trop difficile pour moi. Fais quelque chose, Seigneur, je me sens vraiment trop seule ici. » L’arrêt d’autobus où j’avais l’habitude de descendre s’est pointé. J’ai sonné, je suis sortie, seule, et me suis dirigée directement vers le dépanneur en face pour m’acheter une GROSSE bière. Me suis dit: »Ben tant pis, on va monologuer, Josée ». Je suis sortie du dep mine de rien (la grosse cachée dans l’sac à dos). Devant moi, dans le milieu de la rue – pente descendante – une dame marche en titubant. Alcool? vieil âge? maladie? Difficile à dire d’en arrière. Je m’approche en sifflant fort pour ne pas la surprendre et elle se retourne d’un mouvement sec. Je m’excuse tout de suite de lui avoir fait peur, et la voilà qui part dans un monologue sans fin (ni sens) où j’attrape ci et là les mots: jeunes, c’est beau ce que font les jeunes, pape, visite, chant, jeunesse… Vite, j’ai compris qu’elle avait apprécié la dernière (et unique?) visite de Jean-Paul II sr les Plaines et la visibilité qu’on avait donnné aux jeunes pour l’occasion. Vite aussi, j’ai senti son haleine d’alcool…ouf! Mais, je l’ai écoutée. Un temps, elle confondait tout: le pape et les jeunes et tous les jeunes et même ceux qu’ont rien à cirer du pape. Mais elle les aimait tous. Pis moi itou. Elle a même ouvert son porte-monnaie pour me donner »un cadeau » qu’elle a dit. A placé dans le creu de ma main un petit pain béni rapporté de l’Oratoire, sans doute, en m’assurant que je n’allais jamais manquer de rien si je le gardais dans mon porte-monnaie. J’ai refusé, pour la forme. Elle a insisté, pour de vrai. Puis, d’une petite claque sur mon épaule, s’est excusée d’avoir à quitter, parce q’elle avait fort à faire avec son frère handicapé.
Je venais de rencontrer un moyen moineau, comme on dit chez nous. Mais, tout d’un coup, je me suis mise à rire, puis à rire, à en avoir du mal à continuer ma descente, en titubant, en reniflant, en reprenant le pas, et j’ai ri comme ça jusque chez moi. Je venais de comprendre que mon Dieu tout là-haut, Il en a de l’humour et du culot!! J’ai demandé qqn à qui jaser; il me l’a envoyée. J’voulais qqn pour siroter ma bière. Elle avait pris un peu d’avance, mais quand même, si j’avais offert la prochaine tournée, elle aurait peut-être accepté. J’voulais jaser passion et Théo, et … de la passion, ma bonne femme, elle en crachait à tous les mots… Coudon, c’était presque comme dans mes rêves…
Ça marche, la prière! C’est écrit dans la Bible: »Demandez et vous recevrez. » (Matthieu, 7, 7 -12). Par contre, comme l’a dit ma grand-mère: »Dieu sait bien mieux que toi ce dont tu as besoin. » J’suis bien obligée de la croire… Ce soir là, j’ai beaucoup écrit, beaucoup réfléchi : cette présence bienveillante de Dieu fait partie de ma vie quoi que j’en dise. J’en aurai envie toute ma vie. C’est trop bon, trop simple d’être ainsi écoutée et aimée. J’avoue qu’il faut l’effort et l’honnêteté de le reconnaître quand ça passe. Mais, là encore, je suis bénie. Et je rends grâce parce que je n’ai pas beaucoup d’effort à faire pour savoir quand c’est Dieu qui signe les moments forts de mon existence.
Le temps a passé. J’ai eu mes filles. Je me souviens de leur persistance quand, d’une petite main décidée, elles tiraient sur un pan de ma chemise pour demander, demander, demander, redemander, répéter la requête, encore, et encore, et encore: »J’t'en supplie, Maman… » Je savais, moi aussi, ce qui était bon pour elles. Mais, j’ai cédé, parfois, rien que pour le bonheur de croire qu’elles avaient aussi besoin de preuves tangibles que je les aime… C’est ainsi que, du haut de leur trois ou quatre pommes, elles m’ont appris, d’une part, la persévérance dans la prière, et de l’autre, m’ont fait comprendre combien on a besoin de cet amour confiant d’un tout petit, pour devenir soi-même capable d’un grand amour généreux.
Ma relation à Dieu a pris 1001 formes, semblables à des rendez-vous, quand j’y repense: les tête-à-tête dans le noir de ma chambre d’enfant, les confidences dans le journal intime de mon adolescence, les journées entières de contemplation au bord du fleuve, en solitaire, à St-Jean-Port-Joli, les randonnées en couple, dans le Parc de la Gatineau, sac au dos avec bébé dedans, les prières illustrées que j’ai partagées avec mes enfants, les veillées pascales célébrées avec ma communauté où nous étions plus d’une centaine à l’unisson, en communion, branchées sur le même coeur…, les prières de Taizé au centre diocésain où je me suis laissée bercer par les voix qui chantaient ce que mes yeux arrivaient à peine à lire, et puis, plus récemment, mes escapades à Champboisé …
La liste pourrait être bien plus longue. Je comprends tout juste qu’on prie pour demander, pour supplier, pour remercier, pour accompagner, par solidarité, pour nourrir l’espérance, et pour célébrer Dieu si grand, si infini. Peu importe comment ou pourquoi on prie. L’important, c’est de puncher, une fois de temps en temps.
Tout ça, c’était pour dire qu’aujourd’hui, j’ai reçu un très beau courriel que je voudrais partager avec toi. Je t’en prie
, offre-toi 2 minutes de plus pour la santé de l’âme…
http://bl155w.blu155.mail.live.com/default.aspx?wa=wsignin1.0
Ce soir, j’aurai une pensée spéciale pour tous mes lecteurs, connus et inconnus.
A+
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